CEVA et bâti, un impact urbain et immobilier à Genève
Inauguré à Genève, le CEVA suit un trajet qui relie Annemasse à Lausanne de manière directe. Il fait l’objet de nombreuses réactions et son impact sur le bâti est considérable autour des cinq gares flambant neuves. Décryptage.
Tout le monde le sait maintenant, CEVA est un acronyme qui résume la nouvelle liaison de Cornavin aux Eaux-Vives, jusqu’à Annemasse. Un transport en commun qui va révolutionner les rives du Léman ! Depuis le premier coup de pioche en 2011 et le début des travaux en janvier 2012, le Léman Express représente le plus gros chantier romand de ces dernières années. Il relie la Suisse à la France par une ligne directe et constitue « le plus grand réseau express régional transfrontalier d’Europe », ce qui, selon l’Office cantonal de l’urbanisme devrait accroître le nombre d’objets en location. Il s’agit non
seulement de logements, mais également de locaux dans le secteur de l’immobilier commercial ainsi que de bureaux proposés à la location. En cette année 2020, l’arrivée du CEVA confirme l’impact considérable sur l’immobilier neuf annoncé depuis plusieurs années. En chiffres, il est question de 640 logements à Lancy–Pont-Rouge, 600 à Bachet, 340 aux Eaux-Vives et 250 à Chêne-Bourg. L’effet Léman Express (LEX) s’étend également à Annemasse, qui a vu, selon une enquête de la RTS, un chantier de 17 hectares sortir de terre pour booster le marché immobilier qui prévoit d’ici à 2030 la création de 1200 logements dans la ville frontalière.
La mue de Genève, du XIXe siècle à 2020
Le projet d’une ligne qui relierait Annemasse aux Eaux-Vives datait du XIXe siècle. C’est donc aujourd’hui une réalisation majeure inscrite dans l’histoire qui a été inaugurée. Si l’achèvement complet est prévu pour 2024, comme le dit l’architecte qui a été chargé du projet des gares de Jean Nouvel pendant plus de dix ans, Christian Scheidegger, c’est en raison du besoin d’adaptation autour de la mise en service. « Construire à proximité des axes de transports publics est un investissement stratégique quand il s’agit de revoir intégralement l’urbanisme d’une région », explique l’expert. En ce qui concerne les aménagements, il faut considérer les 5 gares
qui changent désormais le paysage urbain genevois ainsi que les aménagements publics et les projets immobiliers autour des gares, qui auront un impact certain sur le mode de vie des genevois tout en redistribuant les cartes du marché immobilier sur le territoire. Les ateliers Jean Nouvel, gagnants du concours qui a eu lieu en 2001, ont dessiné un projet dont la cohérence a été garantie par de nombreux intervenants comme Christian Scheidegger pour le suivi architectural ou encore Davide Calderara, constructeur responsable de « concevoir et assurer la mise à l’enquête, la réalisation également, le processus des demandes d’autorisations de construire, le suivi
des dossiers et des procédures, ainsi que le traitement des 1600 oppositions que le projet a soulevées. » Un exploit ? « Ce que je considère constituer un exploit dans cette réalisation, c’est d’avoir été capable de contrer les prédictions de la SUVA dont l’estimation des morts sur ce chantier se chiffrait à trois. Nous avons intégré les normes de sécurité dès la phase de projet et avons imposé les mêmes méthodes de travail à toutes les équipes pour diminuer les risques et n’avons pas compté de perte humaine. » Une aventure surtout humaine, car il s’agit de faire converger des intérêts et des compétences différentes.
Paysage en mouvement
De Cornavin à Annemasse, le CEVA change le paysage du Grand Genève dans une perspective d’aménagement et de renaissance urbaine et d’avancée technologique. Depuis 2004, Davide Calderara analyse les tenants et les aboutissants conformément au mandat que le maître d’ouvrage lui a confié. Les CFF, l’État de Genève, les communes et les Transports publics genevois se sont unis au consortium CEVA pour modifier littéralement l’environnement urbain et donc architectural, en créant de nouveaux quartiers, des espaces
verts, comme ceux conçus par le bureau A Architects à Champel, créant ainsi « un nouvel espace public attractif et de qualité », comme le souligne Christian Scheidegger, certain que si tout n’est pour l’heure pas encore parfaitement fonctionnel, le temps fera, comme sur les plantes qui doivent encore pousser pour compléter les aménagements extérieurs, son œuvre. « Le défi à relever était avant tout la coordination entre les travaux ferroviaires et les aménagements, qui devaient également tenir compte
de problématiques liées au développement durable », continue l’architecte. Ses propos viennent corroborer ceux de Davide Calderara, qui a également supervisé les travaux d’assainissement d‘anciens terrains qui ont vu passer plusieurs époques industrielles, laissant des traces depuis plus de deux siècles. « Nous avons mené une action importante du point de vue environnemental, car nous avons procédé à l’assainissement de terrains comme aux Eaux-Vives (Diagnostic de pollution et Gestion des terrains pollués par ge.ch), qui souffraient de pollution par hydrocarbure, ou à Thônex par de l’arsenic. » Une
fois ces actions terminées, les terres ont été chargées sur des véhicules et acheminées vers un centre de tri, traitées par la chimie ou l’incinération, ou encore par des processus de nettoyage dans des centres spécialisés. « La politique volontaire en matière de gestion de déchets et du suivi du chantier par des spécialistes était fondamentale pour éviter des pollutions accidentelles et, surtout, pour assurer une bonne gestion des déchets », conclut le directeur adjoint du projet.
Exploitation et temps de trajet du CEVA
Le Léman express (LEX) est le digne héritier des traditions ferroviaires suisses, il a été inauguré le 12 décembre 2019 par les autorités suisses et françaises et ouvert au public trois jours plus tard. Certains usagers pensent de la chenille en fer qu’elle les laisse encore régulièrement à pied… ou les met en retard. « Le CEVA, c’est génial… quand il marche ! » dit Marine*, secrétaire-comptable dans une entreprise genevoise. « En fait lorsque ça a commencé le 15 décembre, c’était mon cadeau de Noël. Je ne mettais que 10 minutes le matin depuis la
maison pour aller au travail. J’étais heureuse de réduire mon trajet pour aller au bureau. Le soir, comme mon appartement se trouve à Versoix et que je travaille à Champel, je vais directement jusqu’à la gare. Le confort m’enchante donc, mais, selon les périodes, c’est l’inconnue des retards. Cela dit, le projet est magnifique et va changer la circulation et la mobilité dans la région, plus besoin de prendre la voiture ou le tram, plus d’embouteillages ! » (téléchargez les horaires ici). La ligne ferroviaire du canton de Genève et de la Haute-Savoie contourne le centre-ville de Genève
par l’ouest et le sud-est. Cet itinéraire modifie les habitudes, comme le souligne Marine (découvrez le plan du réseau ici). À Genève, selon les informations recueillies par la Tribune de Genève : « Les prix des billets sont plus élevés et ont augmenté plus vite en ville qu’en périphérie au cours de ces dernières années. » (découvrez les tarifs ici). Quant aux CFF, ils restent optimistes : « Les affluences sont bonnes dans les trains jusqu’à présent, avec plus de 25 000 personnes par jour. En revanche, la galerie commerciale des Eaux-Vives cherche encore son public, observe le service de communication de la régie fédérale. Nous sommes en
contact étroit avec les commerçants et avons l’intention de lancer une dynamique d’attractivité pour le site. Nous espérons une augmentation progressive de la fréquentation : le quartier en surface est en cours d’aménagement et nous sommes en train d’améliorer la signalétique pour que les commerces obtiennent plus de visibilité depuis l’extérieur. Nous cherchons aussi à mettre en place des manifestations sur le site, et sommes à la recherche de partenariats à cet effet. » Il semblerait que le facteur temps se confirme non seulement pour l’évolution des aménagements, mais également en termes d’exploitation.
Le CEVA a-t-il un impact sur les valorisations immobilières à Genève ?
Selon Davide Calderara, les CFF, avec leur département de promotion immobilière, ont développé de nombreux projets à Lancy-Pont Rouge, aux Eaux-Vives et à Chêne-Bourg. Le Canton, des promoteurs tiers, la Ville de Genève et la Commune Chêne-Bourg ont misé sur le locatif. « Là-dessus, il y a d’autres acteurs qui se sont greffés comme des fondations à Lancy–Pont-Rouge, des constructions qui vont démarrer à Bachet, dit le constructeur. Les investissements sont importants. Il y a des services, du commerce et de la location, un mix d’utilisation dans toutes les gares. ». Les 5 gares sont des accélérateurs par rapport au bâti. Aux Eaux-Vives, par exemple, la mutation sera frappante, car les constructions sont nombreuses. Les CFF ont posé, le 31 janvier dernier, la première pierre
de leur nouveau bâtiment sur l’esplanade. L’immeuble de sept étages comptera 58 logements à loyer contrôlé ainsi que des bureaux et des commerces. Il sera terminé au printemps 2021. En face de la Comédie, le premier bâtiment construit par les CFF est en service depuis fin 2019. « Il compte quelque 30 logements à loyer contrôlé, une galerie marchande, des restaurants, et environ 4300 m2 de bureaux, reprend Davide Calderara. Les tout derniers aménagements sont actuellement en cours et les derniers locataires emménagent encore dans ce premier immeuble. » Les CFF et leurs partenaires poseront encore le 31 mars prochain, la première pierre de leur second bâtiment de l’esplanade des
Eaux-Vives, en présence de Rémy Pagani, conseiller administratif de la Ville de Genève, de Susanne Zenker, responsable Développement au sein de la division CFF Immobilier, de représentants des autorités du canton de Genève, ainsi que de nombreux partenaires. « Il sera mis en service en avril 2021, en même temps qu’une extension de la galerie commerciale de la gare. Cet immeuble de sept étages comptera 58 logements à loyer contrôlé par l’État et quelque 1000 mètres carrés de bureaux. Des commerces prendront en outre place au rez-de-chaussée. Le coût d’investissement de ce projet se monte à 53 millions de francs environ. Le LEX totalise 230 km de lignes, 45 gares et 6 lignes. Avec le LEX, 80% des Genevois habitent désormais à moins de 1,5 km d’une
gare », précise l’analyse de La Tribune de Genève. Les particularités de ces gares ? « Nous aurions pu réaliser des tunnels, mais là, nous avons privilégié des volumes et des espaces avec l’intention de projeter et amener de la lumière et créer des espaces où on se sent bien pour se rencontrer », continue Christian Scheidegger en expliquant que les accès, les relations entre extérieur et intérieur, prennent en compte des éléments clés. « Avec cette ligne, nous sommes sur une opération d’infrastructure à long terme. Il sera possible d’interpréter l’impact plus tard, car il y a des pôles d’intensité urbaine qui se construisent autour de ces lieux de transports », conclut l’architecte.
L’impact du CEVA sur le secteur immobilier
L’avènement du CEVA a un impact positif, bien que la population ait émis des craintes face à une telle transformation du paysage urbain, en raison du bruit des travaux ou des vibrations. « Les gares du Léman Express ont changé la mobilité à Genève et apporté une desserte fine des transports publics au centre de l’agglomération. On peut dire que les gares sont devenues des hubs de mobilité raccordées au réseau des TPG et qu’elles vont permettre de reporter une partie des habitants de la voiture sur le rail », affirment les CFF, conscients du fait qu’une bien plus
grande attractivité des quartiers nouvellement desservis, surtout pour la rive gauche, se dessine. Le square de Champel, d’ordinaire peu fréquenté, verra toute une population se promener ce qui fera aussi du bien aux commerçants. « Ces lieux vont évoluer avec l’arrivée des beaux jours, reprend Christian Scheidegger. À Champel, par exemple, les grands talus paysagers vont créer de l’animation dedans comme dehors. Pour l’immobilier, ces aménagements d’espaces publics représentent une vraie plus-value ».
L’histoire nous l’a montré
Depuis le XIXe siècle, c’est autour des gares que l’activité économique, sociale et urbaine se développe le plus fortement. Imaginée il y a plus d’un siècle, la liaison Genève-Annemasse ne déroge pas à cette règle. Lieu de tous les échanges – sociaux, commerciaux et culturels – le CEVA transforme les quartiers où il passe. Le secteur immobilier l’a bien compris, qui mesure le potentiel indéniable de ces espaces rendus plus vivants et plus attrayants.
Cet article vous intéresse?
Inscrivez-vous et recevez nos articles par courriel
Ces articles pourraient aussi vous intéresser
Zone de développement à Genève: les coulisses de la promotion immobilière
Quelle tendance pour le secteur de l’immobilier à Genève après le confinement?
Les plus beaux écoquartiers à Genève