Tout savoir sur les coopératives d’habitation

Le marché de l’immobilier reste tendu et les prix des loyers élevés. Dans ce contexte, les coopératives d’habitation connaissent un essor grandissant en Suisse romande et surtout dans l’arc lémanique. Cet habitat à but non lucratif constitue une alternative intéressante visant à offrir des logements à des loyers inférieurs à ceux du marché. Le développement de ces logements est aujourd’hui soutenu par les cantons.

Une perspective plus durable et plus participative

Très dynamiques, ces coopératives d’habitation expriment également une nouvelle vision de l’habitat dans une perspective plus durable et plus participative. Elles contribuent aussi à la réécriture de la ville avec de nombreux projets architecturaux innovants dont certains récompensés par des prix, ainsi qu’à l’édification d’un projet de société solidaire et sensible aux questions environnementales.

La coopérative d’habitation n’est pas un concept nouveau en Suisse. Les années qui suivent immédiatement la fin de la Première Guerre mondiale sont marquées par la création de plusieurs coopératives d’habitation. Celles-ci apparaissent dans un climat social tendu sur fond de revendications portant sur la semaine de 48 heures, l’assurance vieillesse, le droit de vote pour les femmes et la création de logements sociaux. La Suisse connaît alors une forte crise du logement. Dans un souci d’apaisement, les autorités fédérales et cantonales s’engagent à octroyer des prêts hypothécaires à taux préférentiels. « Cette décision ouvrait la voie à un financement public, explique Raphaël Conti, de la Fondation de la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (FPC). Elle eut pour effet la création partout en Suisse de coopératives d’habitation, souvent inspirée du modèle de la cité-jardin. A Genève, par exemple, c’est le cas de la société coopérative d’habitation Genève (1919) dont le succès résulte d’une fine alliance entre personnalités politiques, syndicats et patronnat. 

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Essor des coopératives d’habitation

La fin de la Deuxième Guerre mondiale marque le premier élan des logements coopératifs grâce aux aides votées par la Confédération. L’objectif étant alors de développer le logement. Ces aides permettent de lancer les structures coopératives. Dans les années 50 et 60, de très nombreuses constructions en coopératives voient ainsi le jour. Entre 1946 et 1960, les chiffres font état de 9123 coopératives d’habitation, un nombre qui n’a pas cessé d’augmenter depuis 1919.
« Dans les années 50 et 60, précise Raphaël Conti, beaucoup de coopératives de corporations ont vu le jour. Il y avait, par exemple, les typographes, les métiers du bâtiment ou encore les employés de la Confédération. Ces coopératives existent toujours à Genève et elles construisent encore quelques immeubles. Nommément, Les Ailes qui avaient été fondées en 1955 par des employés de Swissair de l’aéroport de Genève. »
A partir des années 70 et 80, des coopératives s’adressant davantage à l’ensemble de la population se mettent en place.  

Le XXIe siècle, le temps du renouveau

Le mouvement s’était ensuite un peu essoufflé mais il connaît un véritable boom depuis le début des années 2000. En 2015, une enquête est menée dans le canton de Vaud afin de comprendre les perceptions et les aspirations des habitants vis-à-vis du logement. Bilan: quatre locataires sur dix sont intéressés par les logements coopératifs. Au cours des dix dernières années, le nombre de coopératives d’habitation a progressé de 30% dans le canton avec la création de plus de 40 coopératives.

La tendance est la même à Genève. En 2016, le canton s’est doté du plan d’action « Coopératives » afin d’encourager leur développement. Actuellement, le canton compte 128 coopératives d’habitation, soit 12 000 logements. Parmi ceux-ci 1650 ont été construits ces derniers dix ans, soit une hausse de 16%. Ces coopératives sont ainsi propriétaires d’environ 7% du parc locatif cantonal et 5% du parc total de logements.
La part des logements coopératifs pourrait encore augmenter. L’initiative populaire « Pour + de logements en coopérative » propose de doubler l’habitat sans but lucratif dans le canton, soit 10% du parc locatif d’ici à 2030, ce qui représenterait 10 000 logements supplémentaires. 

La coopérative est une forme d’habitat intermédiaire entre la location et la copropriété par le biais d’achat de parts sociales. Son objectif est de fournir des logements à ses membres au meilleur prix.

Comment fonctionne une coopérative?

Comment devenir locataire-coopérateur?

Toutes les coopératives d’habitation permettent de bénéficier de loyers entre 15 et 20%, en moyenne, moins chers que ceux des logements conventionnels. Une différence de prix qui s’explique par l’absence de but lucratif. Les loyers doivent seulement couvrir les frais de la coopérative. Celle-ci est ouverte à tous, mais plutôt à une clientèle de classe moyenne.
Concrètement, il existe deux schémas. Raphaël Conti explique: « Le premier s’applique à la majorité des coopératives, surtout dans les structures anciennes. Le futur locataire soumet une demande de logement auprès d’une coopérative puis, il adhère au sociétariat en parallèle à l’attribution d’un appartement.

Le deuxième modèle correspond davantage à des sociétés dites participatives. Dans ces nouvelles structures, le futur locataire devient d’abord sociétaire. Il achète une part sociale d’un montant généralement compris entre 100 et 500 francs environ. Cette part ne permet pas de finaliser la location d’un logement, mais d’accéder à une liste d’attente. En fonction des projets qui se dessinent, la coopérative contacte le sociétaire pour savoir s’il est prêt ou s’il a envie de travailler sur un projet. Il intègre alors un groupe de travail et se destine à devenir un futur locataire. »

Et si l’on fondait une coopérative?

Fonder une coopérative d’habitation demande beaucoup de temps et d’énergie. Mais les principales formalités légales sont simples:

  • sept membres fondateurs,
  • établissement des statuts constitutifs,
  • inscription de la coopérative au Registre du commerce,
  • développement d’un projet d’habitation viable.

Claire-Lise Stehlé fait partie des membres fondateurs de la coopérative Voisinage, dans le canton de Genève. « Nous étions un petit groupe de jeunes ou futurs retraités. Nous voulions créer une coopérative intergénérationnelle dans un nouveau quartier afin d’avoir un impact car l’habitat ne se limite pas aux quatre murs d’un logement. »
L’aventure débute en 2008 avec la création de Voisinage. En 2012, la coopérative obtient les droits de superficie d’un terrain dans le nouveau écoquartier des Vergers, à Meyrin.
Claire-Lise Stehlé précise: « Trouver le terrain était le plus difficile. Mais Meyrin a créé un concours à l’attention des coopératives participatives avec la mise à disposition de terrain. » En 2019, les premiers locataires-sociétaires emménagent dans leur logement.
Les 55 logements de Voisinage font partie d’un immeuble totalisant  190 appartements construits en collaboration avec la coopérative d’habitation Codha. « Nous avons travaillé pour le développement du projet avec la commune de Meyrin et la Codha et nous nous sommes fait accompagner pour la phase de construction par une régie immobilière qui connaît bien le secteur. » 
Aujourd’hui, la coopérative assure elle-même sa gestion. « C’est plus compliqué, reconnaît Claire-Lise Stehlé. Mais cela crée des liens entre les locataires-sociétaires. Nous ne sommes plus de simples consommateurs, mais des acteurs de notre environnement. »

Des architectures audacieuses

De nombreuses coopératives d’habitation visent un développement de qualité et l’innovation, que ce soit au niveau architectural, énergétique ou social.

Architecte genevois à la tête du bureau Atba SA architecture + énergie, Stéphane Fuchs a réalisé plusieurs constructions pour des coopératives d’habitation participatives. « Il s’agit toujours de projets atypiques. Nous travaillons dès le début avec les futurs locataires-coopérateurs qui vont vivre avec leurs choix architecturaux. Les assemblées comprennent généralement entre 15 à 30 personnes et chacune propose des idées intéressantes que nous examinons attentivement. Ensuite, en fonction du cahier des charges, nous définissons des priorités avec pour objectif d’intégrer le maximum de ces idées. En effet, les logements étant subventionnés, il est nécessaire de respecter le budget fixé. »
Chaque construction est unique, répondant à la sensibilité de ses habitants à l’origine du projet. En revanche, trois points communs subsistent :

  • présence d’une grande salle commune
  • chambres d’amis pour recevoir des visiteurs
  • économat commun
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Source photographies : bureau Atba SA

Stéphane Fuchs ajoute: « Il y a également des zones d’échanges permettant les rencontres. Par exemple, un hall d’entrée habité avec des canapés ou encore, la situation des balcons pour permettre aux locataires de se voir et de se parler. »
Une majorité de coopératives participatives est engagée dans une démarche durable avec, notamment, le choix de matériaux comme le bois ou même la paille. Celle-ci est utilisée comme isolant.

Vivre dans une coopérative d’habitation

Le prix attractif des loyers reste la première motivation des locataires-sociétaires. Caroline, 47 ans, divorcée avec un enfant, raconte. « J’ai fait une demande pour un logement social et on m’a proposé une coopérative. Je ne connaissais pas ce système. Je ne suis pas très impliquée et je ne vais pas beaucoup aux réunions, mais je constate que tous les coopérateurs sont respectueux de l’immeuble. Peut-être parce que tout le monde en est propriétaire. Je trouve aussi très agréable de pouvoir agir pour changer certaines choses. Par exemple, mettre des détecteurs pour la lumière ou des digicodes. »
Pour Marie-Claude, locataire-sociétaire depuis plus de 10 ans d’une coopérative à Genève, le choix était économique et sociétal. « Je voulais choisir mon habitat et j’ai entendu parler de ce modèle de logement par une amie. La coopérative où j’habite correspond à mes valeurs environnementales et sociales: construction en bois, peu de chauffage, produits d’entretien écofriendly, toilettes à compost, jardin en permaculture, bassin de phytoépuration et un loyer de 1800 francs pour six pièces. »
La vie de la coopérative repose sur l’investissement personnel lors de la conception du projet comme au quotidien. « Il faut se bouger. Il n’y a pas de régie à appeler pour résoudre les problèmes. Nous avons beaucoup de réunions, ce qui prend du temps, mais c’est sympa et nous sommes très soudés. Avec des enfants, c’est parfait. Ils ont une sorte de famille élargie. »

Il s’agit finalement peut-être d’une manière de réinventer la convivialité entre voisins.

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